9 février 2023 - Par Mario Haman, conseiller aux entreprises
Un logiciel de gestion de clients par-ci, une plateforme collaborative par-là, un téléchargement au bas de l’écran, un partage de fichier sur un second écran, un forum de discussion sur un troisième écran, un robot pour répondre aux questions — chatGPT —, alouette ! Il est loin le jour où un simple courriel suffisait à joindre une personne :
- Bonjour, comment allez-vous ?
- Plutôt mal, merci. Je ne réussis pas à vous joindre.
- Veuillez s’il vous plaît communiquer avec chatGPT, c’est mon adjoint. Il ne chôme pas.
La multiplication des interactions numériques et des sources informationnelles appelle à une capacité de compréhension et d’absorption à la limite de la schizophrénie. Toutes ces nouvelles formes de communication participent à l’ère de la numérisation et de la virtualisation. Elles teintent notre rapport au monde ; mais aussi, mettent en lumière les limites et parfois les écueils vécus par les utilisatrices et utilisateurs. Un sentiment d’incompétence peut ainsi naître et entraîner la résistance, voire la démission numérique.
La Commission des partenaires du marché du travail (CPMT), dont la mission est d’identifier les besoins de la main-d’œuvre, s’est penchée sur la question. L’organisme faisait part des travaux du Forum des politiques publiques (FPP) et de leur rapport 2020, intitulé Comprendre l’avenir des compétences : tendances et réponses politiques dans le monde — Série sur les compétences de l’avenir. Plusieurs pistes sont d’ailleurs ressorties en ce qui a trait aux compétences nécessaires, dont les travailleuses et travailleurs devaient disposer, ainsi que les compétences du futur à acquérir afin de bien s’adapter au milieu du travail en changement.
« En bref, selon les auteurs du rapport, la mondialisation nécessite de nouvelles compétences et impose d’en revisiter certaines à la lumière des développements technologiques. Ces derniers transforment l’environnement de travail et le marché de travail. La littérature examinée a permis de dégager cinq changements essentiels qui auront des effets profonds sur l’avenir des compétences :
- Diminution du travail de routine
- Dégroupement des tâches
- Besoin accru d’adaptabilité et de résilience des travailleuses et des travailleurs
- Accent sur la capacité des travailleuses et des travailleurs à travailler avec la technologie
- Accent accru sur les compétences difficiles à automatiser.1 »
Également, à la suite de deux sondages réalisés auprès de 2 000 Canadiennes et Canadiens en 2021, le Centre pour l’avenir du Canada de Deloitte a publié dans un document, intitulé Équité numérique : donner la priorité à l’avenir numérique de chaque Canadien, des résultats prêtant foi à l’inégalité des chances en matière de littératie numérique.
« Seulement 44 % des répondants de moins de 35 ans estiment que leur éducation les a préparés à réussir dans une économie numérique. La pandémie n’a fait qu’exacerber cette situation, 79 % des employeurs canadiens ayant indiqué que la pandémie avait transformé leur mode de travail et qu’ils avaient maintenant besoin d’un plus grand nombre d’employés possédant des compétences en TI.2 »
Par ailleurs, 47 % des répondants de ces sondages ont souligné qu’ils ne savaient pas vers qui se tourner pour acquérir les compétences numériques qui leur manquaient.
Personne ne sera laissé derrière!
Notre objectif à la Formation aux adultes est de réduire l’écart entre celles et ceux qui ont déjà intégré en tout ou en partie ces compétences et celles et ceux qui peinent à les digérer. C’est vers ces personnes que notre action doit porter. Ne laissons pas en plan une partie de notre main-d’œuvre et accompagnons-les dans le développement de leurs compétences numériques.
Audrey Murray, ex-présidente de la CPMT, abonde aussi dans cette direction. « Le rehaussement et la requalification des talents sont désormais des enjeux majeurs sur lesquels les entreprises et les salariés doivent miser afin d’assurer une prospérité durable et inclusive, autrement dit, afin que personne ne soit mis de côté. »
Prenons un temps d’arrêt, prêtons l’oreille et offrons à notre main-d’œuvre la possibilité de maitriser les compétences numériques à son rythme. La surabondance des interactions numériques n’a de sens que si celle-ci s’intègre dans le temps grâce à un bon accompagnement. Ce n’est pas en multipliant les outils technologiques sans même avoir validé la maitrise des premiers que nous parviendrons à une consolidation des compétences numériques.
1 La Commission des partenaires du marché du travail (2021). Se préparer un marché du travail en transformation : référentiel québécois des compétences du futur, 1-16.
2 Deloite (2022). Équité numérique : donner priorité à l’avenir numérique de chaque Canadien, 1-85.